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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/185

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

mant les poings et en regardant farouchement autour de lui.

Ah ! ce n’était plus le timide, le niais, le bon La Candeur… C’était le terrible géant qui, sentant la mort prochaine, eût voulu frapper le traitre, frapper de toutes ses forces, jusqu’à épuisement de ses forces avant de fermer les yeux pour toujours !… Et il grondait :

« Kara Selim avait promis de l’argent !… Il m’en a offert à moi !… Qui de nous s’est laissé acheter par Kara Selim ? Qui a noué toutes nos cordes pour assurer le salut de Gaulow !… Celui-là est sûr d’avoir au moins la vie sauve, n’est-ce pas ? si nous la lui laissons.

— Celui-là est châtié » fit la voix d’Ivana, et elle montra, d’un geste tragique et faux, le corps du katerdhjibaschi qui avait roulé entre deux créneaux et dont les entrailles pendaient hors des murs… Et elle ajouta :

« C’est moi-même qui l’ai éventré avec l’épée que Kara Selim avait abandonnée ici sans doute parce qu’elle le gênait ! »

Et d’un autre geste de théâtre, elle montrait la grande épée à deux mains, toute sanglante, toute fumante encore du sang du katerdjibaschi.

« La misérable ! gronda Rouletabille entre ses dents ; elle a tué le pauvre homme parce qu’il s’opposait à l’évasion ! »

La Candeur la ramassa, cette épée de titan, et, tranquillement, emmaillota sa pointe avec un coin de sa défroque ; puis il alla se poser, les deux mains à cette pointe, le pommeau énorme à ses pieds, tout auprès de l’échauguette. Et alors, immobile et magnifique comme un héros antique appuyé sur sa massue et attendant sans émoi les monstres sortis des forêts mythologiques, il dit :

« Avant de mourir, vous allez voir quelque chose ! »

Et ils virent en effet quelque chose.

Nous avons dit que l’extrémité de l’escalier donnant sur la terrasse du donjon ouvrait sur l’échauguette ; La