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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/188

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LE CHÂTEAU NOIR

Mais Ivana, derrière ses mains, gémissait. On l’entendait râler : « C’est épouvantable !… C’est épouvantable !… »

— Peut-être est-il encore temps de vous laisser glisser le long de cette corde qui a été si utile à Gaulow ! continua Rouletabille, impitoyable… Elle nous est inutile à nous… Nous savons que nous serions très mal reçus en bas… Mais vous, Ivana, vous !… Vous êtes une femme… Ils ont pitié d’une femme, de la femme de Gaulow !… Ils vous attendent, Ivana ! »

Ivana tomba à genoux sans répondre et elle se cachait si bien qu’il était impossible de voir son visage.

« À genoux !… comme Ivana !… Mettons-nous tous à genoux et prions ! dit Vladimir, car nous allons mourir ! »

Rouletabille pensa à la dame en noir, cessa de regarder cette jeune femme qu’il avait tant aimée et qui venait de le trahir, et se laissant tomber à genoux auprès de Vladimir, il demanda pardon à Dieu et à sa mère d’être content de mourir.

« Moi, je mourrai debout », dit La Candeur, qui avait été élevé à la laïque.

Et il attendit, appuyé sur son épée, le coup de tonnerre qui devait tous les anéantir.

« Comme c’est long ! murmura Vladimir.

— Oui, fit Rouletabille, c’est bien long ! »

Tout à coup Vladimir bondit en poussant un cri qui n’avait rien d’humain. Tous crurent que c’était le commencement de la catastrophe et une sourde exclamation d’horreur s’échappa de toutes les poitrines. Mais voilà que Vladimir courait autour de la terrasse et, montrant la campagne avec des gestes de dément, s’écriait :

« Là, là, là !…

Son émotion était telle qu’il semblait ne pouvoir en dire davantage.

Tous se levèrent. Le vent du Nord venait de chasser les dernières fumées, le dernier voile qui enveloppait le donjon, et voilà que les monts, les cimes, les défilés appa-