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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/21

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OÙ L’ON VOIT APPARAITRE…

Kasbeck, je marche avec vous !… et le moment viendra, je n’en doute pas, où Abdul-Hamid, avec l’aide ou sans l’aide des richesses de sa chambre du trésor, retrouvera son tour !… Il y aura encore de beaux jours pour Marénin-Kiosk, l’Adjem-Kiosk !… et le musée des animaux !… Allah est grand !…

— Si la guerre éclate et si les Turcs sont battus, comme on peut le craindre… exprima gravement Kasbeck, c’est la victoire à brève échéance d’Abdul-Hamid !…

— Eh bien, mon cher ! fit Gaulow en quittant le banc de pierre où il était assis… je suis plus patriote que vous !… La victoire d’Abdul-Hamid à ce prix-là… je n’en voudrais pas !… Ma foi non !… Voyez-vous, Kasbeck… je haïs trop ce pays-là !… »

Et ce disant, Gaulow montrait du doigt la cime des monts qui le séparaient de la Bulgarie. Et son visage, si beau, quand il était au calme ou animé des sentiments de l’amour, redevint instantanément hideux de férocité. Les sourcils froncés, les lèvres relevées, la mâchoire mauvaise, il fixait le Nord d’un regard de haine terrible.

« Mes frères, les Bulgares… murmura-t-il dans un rictus sinistre… qu’ils y viennent donc !…

— Croyez-vous qu’ils vont venir ? Croyez-vous qu’ils sont prêts ? demanda Kasbeck…

— Ils vont venir… mais ils ne sont pas prêts… » ricana-t-il.

Et il ajouta, en regardant l’eunuque d’une façon assez étrange :

« Vous pouvez m’en croire, Kasbeck… je reviens de là-bas… je suis très renseigné !… Et maintenant, venez !… j’entends le chant joyeux des trompettes !… Ce sont les ripailles qui commencent… Aujourd’hui, je me dois à mes amis… dont vous êtes, Kasbeck… Ma foi, je crois bien que vous êtes mon meilleur ami !… Au selamlik, Kasbeck ! on nous attend !…

— Encore un mot, Kara Selim, fit l’eunuque… Je voudrais que vous me répondiez franchement sur un point