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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/36

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LE CHÂTEAU NOIR

nuit dernière, à la faire précipiter dans le ialniss guidich (ce que M. Priski appelait le « je prends tout et je ne rends rien ! » et ce qui signifiait textuellement « l’aller seulement »), dans la terrible oubliette de la cour des esclaves !…

Cette petite nouvelle, rapportée certainement dans le sentiment de faire réfléchir la nouvelle maîtresse sur la fragilité des choses humaines, ne parvint pas cependant à faire frissonner Ivana, qui, en ce moment, n’avait pas peur de la mort, mais de l’amour.

Enfin, la maîtresse des cérémonies donna le signal pour que l’on se rendit au réfectoire, et Ivana put quitter l’aski et se mêler au reste de la société, qui ne cessa de l’assourdir de compliments et de commérages, tout en se bourrant de sauces et de sucreries.

Pendant ce temps, la chambre nuptiale restait vide. Mais bientôt elle était envahie par les esclaves chargées de meubles, sous la conduite de la maîtresse des cérémonies, qui faisait remplacer l’aski par un grand lit en marqueterie, disposait avec régularité les fauteuils et les sofas, la table de toilette, et tout ce qui pouvait apporter un peu de confort moderne à cette pièce si nue tout à l’heure. Ayant jeté un coup d’œil à tout cet assemblage d’une richesse de fort mauvais goût, mais qui la contenta parfaitement, la yen-khieh-kadine s’en alla enfin en fermant les portes. Si, par hasard, elle fût revenue une heure plus tard, ses oreilles auraient été certainement surprises par un bruit d’une nature particulière qui venait de la fenêtre du fond, de cette fenêtre à balcon, garnie de grilles et de treillages dorés appelés djambas, sur laquelle elle avait fait glisser un haut rideau de tapisserie. Mais elle ne vint pas, et ce bruit, qui était comme une sorte de grincement ressemblant à celui que produirait une lime mordant et usant le fer, se continua à peu près jusqu’au moment où nous retrouvons notre Rouletabille accourant au selamlik, Rouletabille, que la bienveillante hospitalité de Kara Selim avait envoyé chercher, et qui se rendait à