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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/42

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LE CHÂTEAU NOIR

À peine les derniers mots étaient-ils prononcés qu’une retentissante fusillade éclata tout à coup dans le château.

Kara Selim, qui jusqu’à ce moment s’était tenu les bras croisés et le front de plus en plus sombre, leva la tête, et comme chacun autour de lui se montrait assez inquiet des coups de feu que l’on venait d’entendre, il calma l’émoi de tous d’une phrase prononcée d’une bien sinistre façon :

« C’est la fête de nuit qui commence ! » dit-il.

Dans le même instant, un officier accourait vers lui.

« Eh bien ? demanda Kara Selim.

C’est fait, monseigneur ! », répondit l’officier en s’effaçant aussitôt.

Kara Selim sembla avoir recouvré du coup sa bonne humeur. Et il riait de toutes ses dents féroces en disant à ses invités :

« Maintenant, vous pouvez aller dans les jardins voir le feu d’artifice.

— Mais quel est donc ce bruit de fusillade que nous avons entendu tout à l’heure ? lui demanda Kasbeck.

— Oh ! rien, mon cher Kasbeck, répondit-il… moins que rien. Vous savez ce jeune homme avec lequel vous vous êtes si longuement entretenu cet après-midi…

— Ah ! oui, le reporter français !…

— Oui, un nommé Roule… roule…

— Rouletabille.

— Oui !… C’est bien cela : Rouletabille…

— Eh bien ?

— Eh bien, il est mort !

— C’est dommage, fit Kasbeck en guise d’oraison funèbre. Il paraissait bien gentil et désireux de s’instruire… »

Kara Selim était déjà loin ; il essayait de gagner furtivement la porte du harem ; mais, comme l’usage le voulait, ses amis, aussi agiles que lui, le saisirent et, retirant leurs sandales, parvinrent à lui en administrer