Aller au contenu

Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
LE CHÂTEAU NOIR

encore, qu’il ne put que la laisser glisser, avec stupeur, d’entre ses doigts.

Et maintenant, il la regardait en face de lui, debout contre le mur, pâle comme la mort, mais les ongies en avant comme une furie.

À tout autre elle eût fait peur, tout autre eût reculé devant cette rage. Quand il fut un peu remis de son étonnement, il éclata de rire… puis il dit :

« Encore une fois, calme-toi. Et réfléchis que tu m’appartiens. Tu ne saurais m’échapper, tu es ma femme. Je serai ton mari. Je me suis réjoui, en dessous, de tes mines. Ta douceur intermittente ne me trompait pas. J’étais curieux de savoir où tu voulais en venir. Tu voulais gagner du temps, n’est-ce pas ? pourquoi ? Parce que tu attendais du secours ? Ne le nie pas ! je le sais !… Sournoisement, tu regardais de tous côtés, dans cette chambre, pour savoir d’où ce secours te viendrait et tu t’étonnais, tu t’impatientais de ne pas le voir apparaître. Tu es allée à cette fenêtre, tu as tâté, sans en avoir l’air, en t’appuyant dessus avec négligence, ce rideau. Ivana, regarde ! Il n’y a personne derrière ce rideau ! »

Et Gaulow, d’un large geste, fit glisser le lourd rideau sur sa tringle. Les grillages et les barreaux de fer apparurent.

« Si le secours avait dû venir, continua-t-il, il serait venu par ce balcon. Il n’y a que par là et par la voie des airs qu’il pourrait venir. Qui attendais-tu ? Allons ! allons ! Ivana, réponds-moi ! qui attendais-tu ?

— Personne, répliqua farouchement la furie, debout contre le mur… non, je n’attendais personne !…

— Si ! si ! repartit l’autre… quelqu’un ! tu attendais quelqu’un… un voyageur de passage peut-être… un homme ou un jeune homme venu de bien loin, derrière toi, dans l’espérance de t’arracher aux griffes de l’affreux Gaulow ! Un journaliste, peut-être », ricana-t-il.

Il jouait, comme un tigre avec une souris, et il s’amusait formidablement de l’effet produit par ses paroles.