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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/74

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LE CHÂTEAU NOIR

« Mais ce n’est pas tout !… Le barreau derrière, ma chère… oui, l’un de ces barreaux est presque entièrement limé… Mais de cela vous ne pouvez vous rendre compte… Il faudrait venir près de moi… Il ne faudrait pas plus de cinq minutes de travail pour qu’il cédât lui aussi tout à fait. Et c’est à peine si on peut s’en apercevoir de l’intérieur de la chambre… Ah ! votre fuite était bien préparée, mignonne… Et si vous en doutez, regardez la corde… Oui, une corde qui descend jusqu’au roc et qui est attachée tout là-haut à la cheminée. Comme c’était simple !… Comme ça l’est encore !… Votre Rouletabille — car c’est bien ainsi qu’il s’appelle, n’est-ce pas ? — votre Rouletabille n’a plus qu’à venir ! On l’attend ! Vous n’êtes pas curieux de voir cette corde ?… Voyons, un peu de courage, un peu de bonne volonté, ma chérie !…

« La corde est là contre la muraille et tout contre le balcon, là, à droite !… Vous vous étonnez peut-être de ce que je connaisse, à cet endroit, l’existence de cette très dangereuse corde, dangereuse pour notre amour et pour mon honneur, et d’apprendre que, cependant, elle s’y trouve encore !… Je vais vous dire !… On voulait l’enlever !… J’ai dit : « Non ! non ! laissez-lui prendre ce chemin-là… Et puis, quand il sera dessus, eh bien, derrière lui, là-haut, vous la couperez !… » Oui, il sera toujours temps, à ce moment-là, de couper la corde !… Pauvre gentil garçon !… Pauvre gentil journaliste !…

« Pauvre petit amoureux, peut-être !… Car qui me dit qu’il ne vous aime pas ? Ah ! au point où il en est, maintenant, vous pouvez bien m’avouer cela !… Vous comprenez bien qu’il n’est plus à craindre, le pauvre ! Il va faire un bond d’une quarantaine de mètres dans le torrent ou bien s’écraser bien gentiment sur le rocher !… Tenez… continua Gaulow en se penchant et en regardant en l’air… le voilà justement !… Oui, on l’aperçoit d’ici !… Il va prendre la corde !… »

D’un bond, Ivana fut sur le balcon et hurla dans la nuit :