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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/79

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LE TIROIR SECRET

l’on ait oublié, le fameux soir, cette petite clef sur cette serrure… si elle n’avait pas été là, je n’aurais pas eu la pensée, peut-être, d’emporter cette boîte encombrante… mais le coffret était ouvert et m’offrait ses trésors !… Je les ai pris pour les rendre, Ivana… Ils sont à vous ! et voilà la clef !… »

Elle vint à lui et avança la main vers la clef, mais il recula ses doigts… Il s’amusait et cela seul donnait le frisson, Gaulow jouant avec une jeune femme… une jeune femme à qui il promet une clef, qui s’avance pour la prendre, et à qui il la retire… Et voilà encore la jeune femme dans ses bras :

« Un baiser ?… un baiser pour la clef ?… Attention ! ne mordez pas !… »

Cette fois, elle subit son baiser sans s’évanouir… ce n’est plus le moment de manquer de forces… Eh bien ! elle en a… elle en a, Ivana Ivanovna… Elle en a tellement qu’elle ne se révolte pas… Ce cher Kara Selim a même pu croire un instant que, ce baiser lui faisait plaisir, à elle, car elle n’a point montré d’impatience, non !…

« Oh ! ces filles du Balkan sont si bizarres ! si bizarres !… On en a vu qui étaient bien aussi difficiles que cette Ivana et que le premier baiser du maître matait.. »

Maintenant elle a la clef, elle se dégage gentiment, sans brutalité aucune, presque avec coquetterie… Et comme elle a un peu de rose sur sa pâleur, à cause du baiser, Kara Selim la trouve encore plus jolie et le lui dit.

Mais elle a la clef et elle veut s’en servir… et l’autre, en riant, la laisse faire…

Elle glisse la clef dans la serrure… Elle éprouve quelque difficulté… Elle se met à genoux devant le coffret… Ah, si elle pouvait le tâter par-dessous… voir si on ne l’a point défoncé… Mais il est là à plat sur le tapis, le coffret, et lourd, si lourd qu’elle ne peut même pas le pousser…

« Voulez-vous que je vous aide ? demande l’autre.

— Non, non ! merci !… je l’ouvrirai bien toute seule… J’ai l’habitude… »