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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/85

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LE TIROIR SECRET

le dresser sur un des côtés, et le dessous apparaît, intact, lui aussi !

« Tiens ! souffle-t-elle… elle est là… elle est là, la Sophie à la cataracte !…

— Tout à l’heure, répond l’autre… chaque chose en son temps !… Dis donc, Ivana !… La porte de ta chambre ne ferme pas à clef, au verrou ?… enfin, ne ferme pas !…

— Non, pas à l’intérieur… répond la jeune femme… Oh ! j’ai regardé… mais il a pensé à tout… dépêche-toi !… Tu sais, le coffret est intact !…

— Oui, ils n’ont rien cassé ; c’est déjà bon signe !…

— Oh ! ça ne prouve rien !… exprime-t-elle avec une fièvre nouvelle… Ils ont eu le temps de découvrir le secret du tiroir !…

— Et toi, tu l’ignores ?…

— Mais oui, je l’ignore ! je l’ignore ! je l’ignore !…

— Calme-toi donc, puisque la malle est à nous… nous n’avons plus rien à craindre. (Ils trouvaient qu’ils n’avaient plus rien à craindre.) Nous aurons le temps, nous autres, de la traîner jusqu’au donjon !… Allons ! remue ! remue ! Tousse ! fais du bruit, je vais faire sauter le barreau !… Il ne tient presque plus !… »

Ce qu’on ne saurait dire ni décrire et ce qu’il faut imaginer, c’est le mouvement de cette scène, sa rapidité, les gestes inouïs qui l’accompagnent, l’attitude de cambrioleur de Rouletabille derrière son rideau, et, dans la chambre, cette jeune fille qui tourne et retourne cette caisse fatale, avec rage, cette caisse qui ne veut pas encore livrer son secret !…

Ah ! les mains d’Ivana, glissant le long des parois du coffret, les doigts courant sur les jointures, cherchant un point d’appui qui cède, un ressort caché. Elle la presse cette caisse, elle la caresse, elle la griffe…

Enfin elle la secoue, elle la secoue et elle entend, à l’intérieur du tiroir secret, des choses qui se déplacent !… Sont-ce les documents ?… Qui pourrait le dire avant de les avoir vus ?… Est-ce que Gaulow, pour se jouer d’elle