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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/93

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LE TIROIR SECRET

« Qu’avez-vous fait de Kara Selim ?

— Il est sorti de la chambre, répondit avec calme Ivana qui essayait de répondre sur un ton naturel à cette femme dont tous les soupçons étaient éveillés… Il est sorti il y a dix minutes et je l’attends !… »

La kadine était entrée dans la chambre, mais elle n’avait pas lâché la porte, se réservant une retraite.

« Vous mentez, s’écria-t-elle… Pourquoi tout ce désordre ? Vous l’avez assassiné !… »

Et elle commença de pousser des cris.

À ce moment, Rouletabille se montra et voulut se jeter sur elle, mais elle se rua dans le vestibule, en tirant la porte à elle et on entendit ses appels insensés, qui allaient réveiller tout le harem ; puis, presque aussitôt, il y eut un gros tumulte, les galopades des serviteurs et leurs cris et leurs appels.

Rouletabille avait saisi Ivana et l’emportait comme une plume. Il s’agissait d’arriver à la fenêtre avant la ruée des esclaves et des eunuques.

En une seconde, ils y furent.

« Tiens-toi bien à mon cou ! » lui cria-t-il.

Il agrippa la corde et il enjambait le balcon, quand une foule délirante se précipita dans la chambre.

Alors il allongea vers cette tourbe furieuse son bras armé du revolver et fit feu.

Des corps basculèrent au milieu des hurlements, des blasphèmes.

Et il descendit, emportant Ivana, glissa avec la rapidité d’une flèche le long de la corde, plongea dans les ténèbres de la nuit opaque et mugissante de toutes les eaux du torrent, au-dessous d’eux.

Au-dessus d’eux, on continuait de hurler et des coups de feu strièrent la nuit. Les balles crépitèrent autour d’eux, sur les murs, sur le roc.

Ivana tenait toujours Rouletabille embrassé.

Tout à coup le reporter poussa un cri affreux : la corde cédait, ne les retenait plus !