Page:Leroux - Le Fauteuil hanté, Lafitte, 1900.djvu/310

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notre assiette ; Makoko et Mathis, qui semblaient, dès les premières cuillerées d’un potage fameux, redouter d’être empoisonnés, se décident à ne plus faire la petite bouche. La mère Appenzel, pour arroser un cuissot de chevreuil dont nous faisons nos délices, apporte deux vieilles bouteilles de Neufchâtel.

Le gentilhomme veille à ce que la conversation, malgré nos appétits déchaînés, ne languisse point. Il nous demande si nous sommes contents de nos chambres.

— Monsieur notre hôte, il faut que je vous fasse une prière…

C’est moi qui parle. Toutes les têtes sont tournées vers moi.

— Je désirerais coucher dans « la mauvaise chambre ! »

Je n’ai pas plus tôt prononcé cette phrase que je vois la figure de notre hôte, si pâle déjà, blêmir encore.

— Qui vous a dit qu’il y avait ici une « mauvaise chambre » ? demanda-t-il, retenant à grand-peine une irritation certaine.

La mère Appenzel, qui apportait un magnifique morceau d’Ementhal, sur une assiette, se prend à trembler si fort qu’on entend l’assiette tambouriner la table.