Page:Leroux - Le Fauteuil hanté, Lafitte, 1900.djvu/321

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cette gentilhommière avec les terres qui l’entourent, dont ma famille ne s’était jamais occupée.

À cette époque, je tombai éperdument épris d’un ange, Messieurs, quelque chose de plus beau et de plus pur que tout ce que vous avez pu imaginer. Celle que j’aimais ignorait cette folle passion qui commençait de me dévorer et l’ignora toujours. Elle appartenait à une des plus riches familles de l’Europe. Pour rien au monde, je n’eusse voulu qu’elle soupçonnât que je briguais l’honneur de sa main pour remplir, avec sa dot, mes coffres vides. Je pris le chemin des tripots et je jouai ce qui me restait avec la folle espérance de retrouver mes millions. Je perdis, et un soir je quittai Paris pour venir m’enterrer ici dans cette vieille gentilhommière, mon dernier refuge. Je trouvai dans cette retraite, un vieillard, le père Appenzel, sa petite-fille dont j’ai fait plus tard ma servante et son petit-fils, un enfant en bas âge qui a grandi sur ces terres et qui est mon intendant. J’y trouvai aussi, dès le premier soir, l’ennui et le désespoir.

C’est le premier soir que tout arriva.

Ici, le gentilhomme suspendit un instant son récit, sembla écouter anxieusement le vent qui soufflait par toutes les lézardes et les brèches