Page:Leroux - Le Parfum de la dame en noir.djvu/125

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Comme je faisais le nœud de ma cravate, j’appelai Rouletabille, lui demandant s’il était prêt. Je n’obtins aucune réponse. J’allai dans sa chambre, et je constatai avec surprise qu’il en était déjà parti. Je me mis à sa fenêtre, qui donnait, comme les miennes, sur la Cour de Charles le Téméraire. Cette cour était vide, habitée seulement par son grand eucalyptus, dont, à cette heure, l’odeur forte montait jusqu’à moi. Au-dessus du parapet du boulevard, j’apercevais l’immense étendue des eaux silencieuses. La mer était devenue d’un bleu un peu sombre à la tombée du soir, et les ombres de la nuit étaient visibles à l’horizon de la côte italienne, s’accrochant déjà à la pointe d’Ospédaletti. Aucun bruit, aucun frisson, sur la terre et dans les cieux. Je n’avais observé encore un pareil silence et une pareille immobilité de la nature qu’à la minute qui précède les plus violents orages et le déchaînement de la foudre. Cependant, nous n’avions rien de tel à craindre, et la nuit s’annonçait, décidément, sereine…


Mais quelle est cette ombre apparue ? D’où vient ce spectre qui glisse sur les eaux ? Debout, à l’avant d’une petite barque qu’un pêcheur fait avancer au rythme lent de ses deux rames, j’ai reconnu la silhouette de Larsan ! Qui s’y tromperait, qui tenterait de s’y tromper ? Ah ! il