Page:Leroux - Le Parfum de la dame en noir.djvu/215

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si vous avez franchi les frontières de la froide Lithuanie, si vous êtes entré une fois dans le vaste empire du Nord. C’est le chant des vierges demi-nues qui entraînent le voyageur dans les flots et le noient sans miséricorde ; c’est le chant du Lac de Willis, que Sienkiewicz a fait entendre un jour immortel à Michel Vereszezaka. Écoutez ça :

« Si vous approchez du Switez aux heures de la nuit, le front tourné vers le lac, des étoiles sur vos têtes, des étoiles sous vos pieds, et deux lunes pareilles s’offriront à vos yeux… Tu vois cette plante qui caresse le rivage, ce sont les épouses et les filles de Switez que Dieu a changées en fleurs. Elles balancent au-dessus de l’abîme leurs têtes blanches comme des phalènes ; leur feuille est verte comme l’aiguille du mélèze argentée par les frimas.

» Image de l’innocence pendant la vie, elles ont gardé sa robe virginale après la mort ; elles vivent dans l’ombre et ne souffrent point de souillure ; des mains mortelles n’oseraient y toucher.

» Le tsar et sa horde en firent un jour l’expérience, lorsqu’après avoir cueilli ces belles fleurs ils voulurent en orner leurs tempes et leurs casques d’acier.

» Tous ceux qui étendirent leurs mains sur les flots (si terrible est le pouvoir de ces fleurs !)