Page:Leroux - Le Parfum de la dame en noir.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Et je lui fis d’amers reproches auxquels il ne prit point garde. Il n’essaya même pas de se disculper, ce qui me mit plus en colère que tout. Enfin, je lui donnai la lettre. Il la prit, la regarda, en respira le doux parfum. Comme je le considérais avec curiosité, il fronça les sourcils, dissimulant, sous cette mine rébarbative, une émotion souveraine. Mais il ne put finalement me la cacher qu’en s’appuyant le front à la vitre et en s’absorbant dans une étude approfondie du paysage.

— Eh bien, lui demandai-je, vous ne la lisez pas ?

— Non, me répondit-il, pas ici !… Mais là-bas !…

Nous arrivâmes au Tréport en pleine nuit noire, après six heures d’un interminable voyage et par un temps de chien. Le vent de mer nous glaçait et balayait le quai désert. Nous ne rencontrâmes qu’un douanier enfermé dans sa capote et dans son capuchon et qui faisait les cent pas sur le pont du canal. Pas une voiture, naturellement. Quelques papillons de gaz, tremblotant dans leur cage de verre, reflétaient leur éclat falot dans de larges flaques de pluie où nous pataugions à l’envi, cependant que nous courbions le front sous la rafale. On entendait au loin le bruit que faisaient, en claquant sur les dalles sonores,