Quand le comte arriva au Palais de Justice et eut gravi l’escalier qui montait chez le procureur, sans avoir eu pour cela le besoin de demander son chemin à quiconque, il fut assez étonné du mouvement insolite qui régnait dans la galerie.
Des gardiens couraient, des gagistes s’interpellaient, des avocats stagiaires, sortant de la correctionnelle, se précipitaient comme des petits fous, retroussant leur robe, et, de la galerie Marchande, survenait une patrouille de gardes.
Le comte arrêta un jeune avocat qui paraissait fort affairé et lui demanda ce qui se passait ; le jeune avocat lui répondit qu’il n’en savait rien et qu’il courait comme tout le monde.
Enfin, un gagiste finit par lui dire que le bruit s’était répandu dans tout le Palais « qu’il y avait encore eu un assassinat dans les bureaux du procureur impérial ».
Et ce gagiste ajouta :
— Depuis l’affaire Desjardies et l’assassinat Lamblin, ils ont tous perdu la tête : ils voient des assassinats partout. Au fond, il n’y a rien eu de grave ; c’est tout simplement le portier de la prison de la Grande-Roquette qui était venu au Palais, mandé par M. le procureur impérial, et qui s’est trouvé mal.
Teramo-Girgenti remercia et continua son chemin. Ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à la porte des bureaux du procureur.
Le comte avait l’air de chercher quelqu’un qu’il ne trouvait point, et il finit par demander à un garçon de bureau :
— M. Cyprien n’est point ici ?
— Non ! fit l’autre brusquement… Que lui voulez-vous ?
— J’étais venu hier soir pour voir M. le procureur et votre collègue m’a dit que je serais sûrement reçu aujourd’hui. Il m’a dit que je n’aurais qu’à demander M. Cyprien.
— Il n’est pas là ! fit le garçon de bureau en s’échappant.
Teramo-Girgenti montra une grande patience. Il s’empara d’une chaise et s’assit, et, attentivement, il regarda tout ce qui se passait autour de lui.
Des groupes discutaient autour du trou dont nous avons parlé, trou par lequel un escalier en colimaçon conduisait à la cour de la Sainte-Chapelle et à la Souricière. Teramo-Girgenti continuait à s’étonner de ne point trouver son M. Cyprien.
Tout à coup, les groupes s’écartèrent et il entendit ces mots :
— Voici le docteur Sartine ! Voici le docteur Sartine !
Et il vit arriver en grande hâte un homme en longue redingote noire qui portait sous son bras une trousse. Cet homme avait une figure singulièrement anxieuse, et Teramo-Girgenti pensait que ce n’était point là la figure d’un docteur qui va soulager quelqu’un qui se trouve mal.