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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/165

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soit venu une, deux, trois ou vingt dames dans ce jardin, comme me disait mon pauvre Prévost : « Tout ça, c’est des histoires qui ne nous regardent pas » Et permettez-moi de vous le dire, monsieur Pascal, je ne vois point en quoi elles peuvent vous intéresser. La mort a passé par-dessus tout cela.

Pascal regarda dame Héloïse. Elle avait peine à se soutenir, et il crut qu’elle allait s’évanouir encore.

— Vous voulez dire, sans doute, que puisque la dame de la rue des Saules n’a pas reparu…

— Je ne m’occupe point, dit-elle, de cette morte-là !

— Ah ! Vous avez donc pensé qu’elle était morte ?… Mais quelle autre mort donc vous occupe ? interrogea le jeune homme haletant.

— Monsieur Pascal ! Les femmes parlent toujours trop… J’ai été un peu bavarde autrefois… à ce moment-là.

— Puisque vous ne saviez rien, comment avez-vous pu bavarder ?

— Eh ! J’ai voulu savoir !… Vous me disiez tout à l’heure que jamais nous n’avions vu la porte du jardin s’ouvrir pendant le jour… Eh bien ! si, c’est arrivé une fois, pour notre malheur… la dernière fois, du reste, que j’aie vu s’ouvrir cette porte maudite. Vous avez bien fermé la loge, monsieur Pascal ? Après tout, je ne vois pas pourquoi je ne vous dirais pas ce que j’ai sur le cœur depuis tant d’années, à vous qui savez tout ! Qu’est-ce que je risque ? Il ne peut rien arriver de pire que ce qui est arrivé…

Et voilà que dame Héloïse, qui avait commencé à ne vouloir rien dire, semblait tout à coup prête à trop parler…

— Dans le jardin, il venait, dit-elle, un quatrième homme… celui que nous appelons le jardinier… mais je crois bien que ce devait être un domestique chargé de nettoyer la petite maison qui se trouvait au fond du jardin et dont nous n’apercevions, quand nous étions à « notre premier », que le toit pointu. Il venait, comme les autres, la nuit et s’en retournait avant le jour. Il portait toujours aux bras des paquets. Nous pensions que c’étaient des provisions. Or, la dernière nuit que nous l’avons vu venir rue des Saules, il traînait derrière lui une petite charrette à bras qui paraissait très lourde et qu’il eut grand-peine à faire entrer dans le jardin. Nous nous demandions ce qui se passait encore cette nuit-là, car depuis plusieurs nuits, malgré l’éloignement du pavillon, nous entendions des cris, des rires… Et puis, la nuit précédente nous avions entendu un tel cri d’horreur que nous avions pensé qu’on assassinait quelqu’un. C’est cette nuit-là que la petite femme est venue pour la dernière fois. Elle était arrivée une heure avant le cri et je pensais, et Prévost pensait que la petite femme avait été tuée. Mais il n’en était rien, car nous l’avons vue repartir avant le jour, le bandeau sur les yeux et toujours accompagnée de « l’officier ».

— Vous l’appeliez « l’officier ? »