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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/178

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courtepointe en place. C’est alors que ses mains pressèrent sous cette courtepointe quelque chose qui n’était ni de la toile ni de la laine. Il souleva la couverture et découvrit un cahier de papier qu’il porta immédiatement sur le bureau, qu’il présenta à la lueur de sa lanterne, et sur lequel, avec une émotion sainte, il commença de lire, à la première page, ces mots : « Mon pauvre petit Robert, je t’ai conduit aujourd’hui aux Enfants trouvés… » Et ces premières lignes avaient des taches jaunes qui autrefois avaient été des larmes.

XII

L’APPARITION

Parfois un geste brusque, un poing qui se ferme, venaient ponctuer cette muette lecture, parfois le lecteur était obligé de s’interrompre, parce que ses pleurs, avant d’aller rejoindre ces autres pleurs qui avaient laissé leurs traces sur le papier, obstruaient son regard ; parfois aussi, Robert Pascal, incapable de maîtriser le tumulte qui gonflait sa poitrine, se levait, marchait à grands pas et remplissait cette chambre paisible des farouches éclats de sa colère.

Quand il eut terminé sa tragique lecture, Robert Pascal porta le cahier à ses lèvres et il le glissa dans sa poitrine, puis il reprit, comme en un rêve, le chemin parcouru. Il erra dans la maison comme une âme débarrassée du fardeau de son corps. Il ne s’aperçut même pas qu’il laissait, dans cette chambre, la petite lanterne sourde ; il s’en fut sur le palier, il descendit l’escalier, il se promena dans les pièces, doucement, lentement, lamentablement, mais sans hésitation et sans crainte, sans heurt d’aucune sorte, malgré le nombre d’obstacles qui eussent pu l’arrêter.

Ainsi vont les somnambules dans la nuit noire, éclairée seulement par l’éblouissante et surnaturelle clarté intérieure. Et il fut à nouveau sur le seuil, sur le perron, en face des fantômes blancs des arbres immobiles, en face du jardin mystérieux et terrible, et il dit :

— Ma mère ! Si, en ce moment le souffle qui m’émeut et qui caresse mon visage est votre souffle, faites ce miracle pour votre enfant de vous manifester à lui sous une forme que ses pauvres sens ne puissent mettre en doute ! Ah ! si vous êtes là ! dites-le-moi, ma mère !… Voici l’heure !… Je ne suis plus qu’une vengeance en marche et qui va frapper !

Et tout bas, tout bas, il murmura encore :

— Ma mère !… Pour vous venger, il faut que vous soyez là ! Si votre âme est avec moi, montrez-moi votre corps !

Robert Pascal n’avait pas fini de prononcer ces mots, que, du milieu