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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/180

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la main. L’association qui avait si longtemps prospéré sous ses ordres et qu’il n’avait cessé d’entourer des plus sûres garanties, avait été tout à coup menacée et il avait fallu avoir recours aux grands moyens, se débarrasser de deux comparses dangereux qui avaient eu la prétention de se faire payer trop cher : Lamblin et Didier. Du moins, en se débarrassant de Didier — par le suicide — avait-il fait coup double et s’était-il débarrassé ou plutôt Eustache Grimm l’avait débarrassé du même coup d’un ancien témoin gênant de ce qu’il appelait « les peccadilles de sa jeunesse », car avant d’appartenir à Eustache Grimm comme homme bon à tout faire, Didier avait appartenu à Sinnamari comme domestique.

N’importe, il est toujours regrettable d’en être réduit, même quand il s’agit là de l’intérêt de l’État, à l’assassinat ! Car il était à remarquer que Sinnamari ne disait jamais « Mes affaires ! » ou « Mon intérêt ! » Comme il avait mis dans ses affaires et dans son intérêt, quelques-uns des plus hauts personnages de l’État, et comme il était aussi à lui tout seul une des plus grandioses expressions de l’État, il disait toujours en parlant de ses crimes : « Les affaires de l’État, l’intérêt de l’État. » Hélas ! Sinnamari n’était point le seul, depuis qu’il y a des États, à penser et à s’exprimer de la sorte. Combien de fois l’action criminelle de la raison d’État a eu pour point de départ le crime de quelque particulier !

Donc, Sinnamari s’inquiétait de son inattendue et persistante « déveine ». L’affaire Desjardies, l’évasion du père de Gabrielle n’était point pour le rassurer. Ce Roi des Catacombes qui prétendait n’avoir d’autre but que de poursuivre dans l’ombre, l’œuvre de justice pour tous, qu’il lui était impossible d’accomplir au soleil, ne lui disait rien qui vaille. Et comme les coups de R. C. l’avaient déjà, lui, tout particulièrement frappé, il avait fini par se demander s’il n’était point, lui, plus particulièrement visé.

Les confidences de Dixmer, en le prévenant que R. C. n’était point précisément bien disposé à son égard, avaient augmenté son émoi. Il n’était point loin de croire que R. C. se révélait un ennemi personnel des plus dangereux. Pourquoi ? Il se le demanda. Il avait navigué sur une telle mer d’infamie qu’il interrogea en vain l’horizon, trop vaste pour qu’il découvrît l’écueil. Soudain, dans le ciel sombre, une lueur fut sur le point de l’éclairer. La foudre de R. C. n’essayait point seulement de l’atteindre, elle frappait autour de lui, elle venait de brûler Régine.

Le jour même, pendant que Sinnamari travaillait dans son bureau, au Palais de Justice, un domestique de Régine avait demandé à le voir sur-le-champ et il l’avait reçu aussitôt.

Cet homme était essoufflé et paraissait en proie à la plus grande