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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/183

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exactement pourquoi, sans se l’avouer du moins !… Au fond, après tant d’années de sécurité, il voulait toucher la preuve durable de cette sécurité-là !

Et il marchait à la morte, tout droit, comme si elle lui eût dit de venir ! Quand il se retrouva dans cette rue des Saules, quand il revit la porte de cette petite propriété dont il n’avait jamais voulu se défaire, malgré les offres qui lui furent faites, il s’étonna bien un peu et il trouva que sa démarche était tout à fait indigne de lui, indigne de son caractère, enfantine, ridicule ! Mais quoi ! Il n’était point venu si loin pour reculer. La porte était là et la clef dans sa main. Il ouvrit, la serrure céda à ses efforts et il fut dans le jardin. Il referma soigneusement la porte.

À travers les branches poussées au hasard de l’abandon, il entr’aperçut le pavillon, qui découpait son ombre aiguë sur ce qui avait été autrefois une pelouse, et qui n’était plus maintenant qu’un amas de feuilles, de mousse, et de terre pourrie, desséché par l’hiver.

Bravement, il s’avança. Bravement ? mieux que cela, naturellement ! Il sortit des bosquets, franchit la barrière des buis épineux, dépassa la lisière des grands arbres, glissa sur la terre feutrée de la dépouille de vingt étés et marcha droit, droit au pavillon, droit au palier, droit à la morte.

Quand il eut gravi les marches du perron, il fut soudain agrippé en pleine figure par le rai de lune venu de l’intérieur de la maison, de l’intérieur du vestibule, et alors il s’aperçut que la porte du perron était ouverte.

Il jura comme un charretier. Il n’eut point peur. Jamais. Il arma son revolver et il entra dans le vestibule.

Revolver dans une main et rat de cave allumé dans l’autre, il alla jusqu’au fond du vestibule. Là, il y avait une troisième porte, à gauche, que Robert Pascal avait négligée parce qu’il savait qu’elle donnait sur l’office et qu’il croyait n’y avoir rien à y voir ; d’un coup de pied, Sinnamari enfonça la porte. À ce moment, Robert Pascal, sous l’escalier, avait Sinnamari devant lui et il pouvait l’assommer d’un coup de sa lourde pince, sans que celui-ci pût trouver le temps de placer un soupir. Il n’en fit rien. Il vit Sinnamari entrer dans l’office, déplacer un gros bahut et ouvrir dans la muraille une petite porte qu’on n’y eût pas soupçonnée. Cette ouverture devait donner dans un escalier, car Robert Pascal aperçut Sinnamari dans cette ouverture, d’abord dans toute sa hauteur, puis à mi-corps, puis il n’y eut plus de visible que la tête terrible du procureur dans les lueurs sanglantes du rat de cave.

Quand cette tête eut disparu, Robert Pascal s’élança à son tour. Et, à son tour, il entra dans le trou.

L’escalier, étroit et tournant sur lui-même, ne permettait pas à Robert Pascal d’apercevoir au-dessous de lui le procureur, mais cette