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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/184

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disposition même le servait d’autre part, puisqu’elle permettait au jeune homme d’être en quelque sorte sur le dos de Sinnamari sans que celui-ci l’aperçût. Seul, le moindre bruit eût pu trahir la présence de Robert Pascal, mais la prudence et l’habituelle sûreté de son pas le mettaient à l’abri d’une pareille hypothèse.

Il est probable que R. C. avait reçu une éducation physique toute spéciale et que, dans la nécessité où un exceptionnel destin l’avait placé d’être partout sans être vu nulle part, son premier soin avait été d’apprendre, à l’école sans doute des terribles chourineurs, ses compagnons, à remuer en silence. Le seul danger immédiat couru par le jeune homme résultait de la possibilité pour Sinnamari de se raviser ; le procureur pouvait en effet renoncer soudain à cette excursion souterraine, ou bien simplement se retourner et remonter l’escalier, s’il avait oublié quelque chose ! À cette pensée, Robert Pascal serra sa pince avec une sauvage énergie. Face à face, dans cet étroit boyau, les deux hommes eussent dû se livrer une lutte aussi rapide que mortelle.

L’existence de cet escalier avait d’autant plus étonné le roi des Catacombes que rien, du dehors, quand on regardait attentivement le pavillon, ne faisait prévoir que cette bâtisse eût une cave. Pas le moindre, soupirail, pas même cette sorte de petite porte basse, par laquelle on a coutume de glisser les fûts…

Le jeune homme était entré depuis quelques secondes dans le boyau et avait descendu une vingtaine de marches, guidé par le reflet rougeâtre du rat de cave tenu par Sinnamari, quand soudain celui-ci s’arrêta. Robert Pascal n’entendait plus ses pas. Il s’arrêta aussi, suspendant son souffle. La lueur, sur le mur en face de lui, restait immobile. Que faisait Sinnamari ? Il ne pouvait le voir, mais il entendait parfaitement sa respiration un peu forte. Écoutait-il ? Avait-il, au-dessus de lui, entendu quelque chose ? Était-ce l’anxiété de ce qu’il allait trouver en bas qui le faisait hésiter, ou la crainte d’un danger venu d’en haut ? Était-ce simplement le pressentiment qu’il savait quelqu’un à ses côtés ?

La minute était tragique. Si Sinnamari ne continuait pas à descendre et s’il n’avait pas, lui Robert, le temps de remonter, il était décidé à assommer le procureur impérial comme, à l’abattoir, un « louchebem » abat un bœuf.

— Ce serait dommage ! pensait-il avec un effrayant sang-froid.

Il y eut une agitation de la lueur rouge sur le mur. La lumière allait-elle venir ? Ou s’éloigner ? Robert Pascal s’aplatit contre la paroi de pierre et leva sa pince-monseigneur toute droite, au-dessus de sa tête. Mais la lumière disparut ! Oui, soudain, il n’y eut plus de lumière du tout ! Sinnamari avait dû la souffler ! Donc, il avait entendu ! Il savait qu’il y avait quelqu’un là !…

Robert Pascal ne voyait plus rien, n’entendait plus rien ! Le souffle