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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/201

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— Nous n’avons plus d’espoir qu’en vous ! fit la pauvre mère, qui dévorait du regard le comte impassible. Si ce que notre ami, M. Wat nous a raconté de vous est exact, vous pouvez tout pour nous sauver !… Quant à moi, si mes filles ne me sont pas rendues avant vingt-quatre heures, je me tue… Vous pouvez dire cela de ma part, monsieur, à votre ami R. C. !

» Je vous demande pardon, monsieur, mais je ne puis entendre parler de ce R. C., de ce roi des voleurs, sans devenir folle !… Qu’est-ce que je lui ai fait, moi, à cet homme-là, pour qu’il me prenne mes enfants ? À moi, à moi, la femme du colonel Régine, la cousine du procureur impérial !

Soudain, la malheureuse s’arrêta, le regard vacillant, comme si elle venait d’apercevoir quelque chose qui l’épouvantait.

— Oh ! dit-elle… c’est peut-être à cause de cela !

— Madame, fit le comte, qui n’eut point l’air d’avoir entendu cette dernière exclamation… j’ai eu l’honneur déjà de me présenter chez monsieur votre cousin, pour qui j’avais une lettre de recommandation. N’est-ce point à lui que vous devriez vous adresser ? Il m’a eu l’air d’un fort bon parent !

— On voit bien que vous ne le connaissez pas encore !

Ceci fut dit avec une telle violence que Régine jugea de son devoir d’intervenir :

— Oh ! Lucie !…

— Vous, fit Lucie, sans interrompre sa colère, vous le connaissez !… Vous vous connaissez bien tous les deux !…

— Mon amie, murmura Philibert Wat, la douleur vous égare…

Cette scène fut troublée par l’entrée de l’huissier qui annonçait à Régine que le ministre de la guerre le demandait.

Sitôt qu’il fut sorti, sa femme se précipita sur Teramo, lui prit les mains, les serra avec fièvre :

— Monsieur ! Il faut nous sauver ! Puisque vous connaissez R. C., dites-lui, dites-lui bien que moi, moi, je ne suis pas son ennemie ! Et qu’il n’a pas le droit de se venger sur moi de ce qu’il peut avoir à reprocher aux autres !… Ah ! je m’entends bien et vous m’entendrez et vous me comprendrez !… Mon mari et mon cousin ont des ennemis terribles, terribles ! R. C. doit être un de ceux-là !… Il doit y avoir eu entre eux des choses !… Est-ce qu’on peut savoir avec mon mari, avec mon cousin ?… Mais moi, monsieur, moi, je n’aime pas mon mari et je déteste mon cousin, qui m’a mariée à ce Régine !… Laissez-moi, Wat ! Laissez-moi !

Il est difficile d’interrompre une femme en colère, surtout quand elle dit du mal de son mari, mais quand la fureur de la femme est doublée du désespoir de la mère, alors il n’est point de digue pour un tel flot. Le souci unique de son honneur n’est plus une barrière et le mouvement