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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/253

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celle des filles qui avait si malheureusement attiré l’attention des convives sur ce ménage bourgeois.

» — Tirons-la au sort ! s’écria l’officier.

» — Je veux bien, répondit le substitut. C’est moi qui gagnerai !

» Le fonctionnaire obtempéra. Et ils tirèrent cette femme au sort, cette femme qu’ils ne connaissaient point et qui continuait à s’entretenir tranquillement, à quelques pas de là, avec son mari et avec ses enfants.

» Ce fut le magistrat qui gagna. Il avait été stipulé que les perdants aideraient le gagnant dans ses projets et qu’ils ne lui refuseraient aucun service destiné à faire tomber cette honnête femme… dans ses bras !…

» Dès lors, le déjeuner de garçon, l’enterrement de la vie de garçon, la ripaille de Chatou et les demoiselles n’intéressèrent plus nos héros. Ils renvoyèrent les filles après les avoir payées, et, très amusés de leur projet, se concertèrent pour en assurer la prompte exécution. Il fallait se presser. Le mariage du magistrat ne devait-il pas avoir lieu dans huit jours ? Et d’abord, ils suivirent cette famille à sa sortie du restaurant, à sa rentrée dans Paris. Le soir à six heures, ils savaient que l’homme était ouvrier orfèvre à domicile, qu’il gagnait très aisément sa vie, que sa femme était sage et honorablement connue dans le quartier, le quartier de l’Observatoire… »

Le comte de Teramo-Girgenti fut interrompu à cet instant de son récit par un cri poussé près de lui : c’était Mlle Liliane d’Anjou qui se trouvait mal…

III

IL FAUT RENDRE LES ENFANTS À LEUR PÈRE

Le comte se pencha sur la jeune femme qui était tombée dans les bras de Raoul Gosselin. Quelle émotion soudaine l’avait ainsi foudroyée ? Quelle brusque lumière, au récit du comte, avait éclaté dans les ténèbres de son souvenir ? Quel mot l’avait peut-être mise enfin à même de comprendre le rôle qu’elle jouait et dont elle n’avait pas jusqu’alors soupçonné la portée, dans cette tragédie montée par Teramo-Girgenti, à qui, depuis la visite à la maison du quartier de l’Observatoire elle avait obéi aveuglément, pour des raisons qu’elle n’était pas encore parvenue à démêler ? Comprenait-elle enfin le jeu de Teramo-Girgenti ?

Le comte, pendant qu’on s’empressait autour d’eux, faisait respirer à Liliane ce flacon de sels qui ne le quittait jamais. Liliane ouvrit les yeux et l’aperçut tout d’abord, si près, si près d’elle que leurs visages se