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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/258

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de Sinnamari l’avait cloué à sa place. Quant à Régine, il semblait que tout ce que le comte allait raconter ne l’intéressait plus depuis qu’il était sûr qu’on allait lui rendre ses enfants.

Au-dessus de la foule attentive, sur le seuil du salon, comme tout à l’heure sur le seuil de la salle à manger, se tenait la formidable et écarlate figure de cet étrange suisse porte-glaive, l’exécuteur masqué des hautes œuvres du roi des Catacombes.

Avant de reprendre son récit, le comte dit :

— Ne trouvez-vous pas qu’il fait chaud ?

De fait, on étouffait… Les valets ouvrirent les fenêtres, mais Sinnamari se leva et, tranquillement, comme il avait fait à l’instant d’avant dans l’autre salle, il alla refermer la fenêtre du coin de droite, fenêtre que l’on venait d’ouvrir sur l’ordre de Teramo.

Il revint près de lui.

— Je vous demande pardon, dit-il… mais cette fenêtre ouverte fait courant d’air et je suis assez sensible !

IV

IL EST QUESTION DES SUITES D’UN DÉJEUNER DE GARÇON

« Étant ainsi renseignés sur la famille qu’ils avaient résolu de déshonorer, par désœuvrement, par vantardise et par obéissance à un bas instinct de luxure et de cruauté, qui se retrouve plus ou moins au fond de toute bête humaine, nos trois jeunes gens, reprit le comte de Teramo-Girgenti, eurent tôt fait de dresser leur plan. Il était aussi simple que machiavélique. Il s’agissait de tâcher à corrompre la femme, qu’on la prît de bonne volonté ou par stratagème, cependant qu’on éloignait le mari. Le substitut, chef de la bande, avait une garçonnière, petite bicoque abandonnée dans une ruelle déserte de la Butte-Montmartre, dont il avait fait à peu de frais « sa folie ». Il n’eut garde d’user de ce domicile compromettant pour sa dernière aventure de garçon. À quelques jours du mariage, il tenait à garder l’incognito, et ce fut le troisième larron, le camarade qui faisait sa carrière dans la haute administration, qui, n’ayant rien à refuser au magistrat, prêta à celui-ci un petit chalet qu’il habitait pendant la bonne saison, sur les bords du lac d’Enghien.

» Justement il venait d’aménager et d’y faire transporter quelques meubles de prix, quelques bibelots de luxe achetés pour rien, lors de la vente d’un illustre collectionneur, grâce à la bienveillance et à la reconnaissance d’un commissaire priseur de ses amis. Ce furent ces bibelots qui, par une association d’idées assez compréhensible, puisque