Aller au contenu

Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

économies, prenait le train à la gare du Nord avec ses petits et débarquait le soir dans un bourg perdu de la Picardie, où elle savait que l’Assistance publique envoyait de nombreux enfants trouvés. On disait que dans cette région les enfants étaient très bien traités. Ils étaient, du reste, considérés comme une source de revenus pour le pays. Elle remit les petits entre les mains d’une brave paysanne à qui elle donna toutes ses économies.

» Elle lui dit :

» — Je reviendrai peut-être après-demain, peut-être dans deux ans ; quoi qu’il arrive, jurez-moi de soigner mes enfants comme une mère, vous en serez récompensée.

» La paysanne songea à la somme qu’on lui laissait. Il y avait là de quoi soigner les deux petits pendant quatre ans. Elle promit. La mère ne revint jamais.

» Elle avait donné, avant de partir, un faux nom. La paysanne interrogea à ce propos le petit garçon, mais celui-ci avait juré à sa mère, avant qu’elle ne partît, qu’il ne dirait jamais son nom. La petite fille était si petite que la paysanne la crut quand elle lui dit qu’elle l’avait oublié ! Comment cette femme s’était-elle aperçu qu’on lui avait donné un faux nom ? Tout simplement à ce que deux initiales laissées par mégarde sur le linge du petit ne correspondaient pas à ce nom-là. Ces initiales étaient : R. C.

V

SUITE DES SUITES D’UN DÉJEUNER DE GARÇON

Une rumeur dans la salle fit entendre au comte que l’on venait de comprendre de quelle sorte se reliait son histoire du roi des Catacombes ; mais la curiosité de tous était telle que le silence se rétablit aussitôt. Quant aux trois personnages qui se trouvaient si particulièrement intéressés au récit de Teramo, nul n’y faisait attention. Il ne venait encore à l’idée de personne que Sinnamari, Régine et Grimm fussent justement ceux-là dont l’infamie était si ouvertement dénoncée. Nul geste, nulle exclamation n’avaient trahi nos trois compères.

La vérité était que deux d’entre eux avaient perdu la force nécessaire à la plus petite manifestation, et que le troisième se demandait dans un silence farouche comment il pourrait bien faire taire instantanément cet homme qui savait tant de choses, qui savait trop de choses… Sinnamari ne fut pas surpris par cette révélation des initiales : R. C., qui apparurent soudain dans cette sombre histoire… Il les attendait depuis que Teramo avait prononcé ce mot : Chatou…

Le comte, maintenant, racontait la suite de l’étrange et formidable