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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/335

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rideau tragique… et que le corps allongé sur le sol de Liliane d’Anjou évanouie…

Dix minutes plus tard, à quelques pas de la petite maison de la rue des Saules, dans ce cimetière où nous avons introduit une fois déjà le lecteur, Robert Carel se tenait debout devant un tertre qui ne portait aucun nom ; le vent glacé qui passait dans les branches des cyprès eût pu seul l’entendre murmurer :

— Vous qui êtes ici, vous que j’ai réunis ici dans une même tombe anonyme, mon père, ma mère… dormez en paix, vous êtes vengés !… Vos bourreaux ont été frappés selon la justice de Dieu !… L’un d’eux est devenu fou en apprenant que les deux enfants qu’il chérissait plus que sa vie étaient le fruit de l’adultère ! Le second est mort de faim ; le troisième, mon père, est mort, comme vous, sur l’échafaud ! Priez pour moi !… Ayez pitié de moi !… Adieu !…

Les yeux en pleurs, Robert Carel se retourna alors vers Paris, dont les dômes et les flèches d’or flambaient déjà sous les feux du soleil couchant.

— Adieu, Paris ! s’écria-t-il… Adieu, ville bénie, ville maudite ! La plus belle et la plus détestable des cités du monde !… Tu ne me reverras jamais. R. C. est mort !… Robert Carel est mort !… Le roi des Catacombes est mort !… L’œuvre de vengeance est morte !… Mais Robert Pascal est vivant, lui, et l’œuvre commence !…

Et par-delà l’espace, Robert Pascal, loin de Paris, loin du monde, loin des hommes, dans le coin de nature heureuse où celle qui l’aimait l’attendait, sourit à sa belle fiancée !

XVII

À LA FIN DUQUEL M. MACALLAN SE DÉCLARE DÉGOÛTÉ DE LA VIE ET LE PROUVE

À peu près dans le même moment, M. Macallan s’asseyait à la table de l’auberge du Bagne devant une fenêtre ouverte qui donnait presque en face de la porte du jardin de la petite maison de la rue des Saules. La mère Fidèle lui avait apporté son papier, sa plume et son encre, et M. Macallan écrivit à son ami d’Inverness, lord Iverdeen… C’était une longue, très longue lettre, dont nous traduisons quelques passages, comme par exemple ceux-ci :

« Ah ! mon cher ami, qu’est-ce que je vais devenir maintenant ? La vie est triste !… Je ne veux pas assurément refaire un nouveau roman-feuilleton… celui qui vient de se terminer m’a coûté trop cher. Tout compte fait, j’en suis de cent soixante quinze millions. Je vous donne ici