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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/36

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Et puis, il ne dit plus rien ; il jeta sa masse, il déposa le niveau d’eau et consulta sa montre.

— C’est l’heure, dit-il. Entrons.

Le bourreau et ses deux aides se dirigèrent vers la porte de la prison…

VII

UN HOMME QUI ATTEND QU’ON LE TUE

Le plus ordinaire argument de ceux qui se sont donné la mission agréable de travailler à la suppression de la peine de mort est l’inéluctable fatalité de l’erreur humaine.

Il vaut qu’on s’y arrête, non point à cause de sa valeur philosophique qui est à peu près nulle — en effet, il importe peu pour l’exemple qui doit être servi à la foule que le condamné soit coupable ou non, si, étant cru coupable, il est châtié — mais à cause du réel malheur personnel qu’il y a pour un homme qui est un honnête homme à se trouver, sans y avoir été préparé, aux prises avec le bourreau.

Cette considération, malgré sa banalité, est celle qui frappe davantage, car enfin, si on a eu, personnellement, jusqu’alors la chance d’échapper à un aussi exceptionnel événement, comme, après tout, il suffit d’un hasard pour qu’il se présente, on est porté, malgré soi, à imaginer l’horreur d’une telle situation.

Ce n’est point là, évidemment, l’objet d’une cogitation habituelle, mais que la lumière se fasse tout à coup sur un drame que la société avait expliqué à côté, d’où il était résulté qu’un monsieur avait été coupé en deux sans l’avoir mérité, et voilà tous les cerveaux dans le crâne de l’honnête condamné.

Qui de nous n’a pas été dans ce crâne-là ? Qui de nous, en songeant à la possibilité de l’innocence d’un homme que l’on va exécuter, n’a pas imaginé l’abominable et formidable angoisse de l’individu victime de l’erreur de cette brute magnifique et souveraine : la justice humaine !…

C’est dans ce crâne-là que je veux vous conduire. Nous allons pénétrer dans la cellule et dans le cerveau de Desjardies.

La cellule d’abord.

Il y avait à la Roquette trois cellules de condamnés à mort. Elles avaient été agencées spécialement lors de la construction de la prison, en 1834.

Elles étaient placées au rez-de-chaussée, au-dessous de l’infirmerie, ouvrant sur un petit vestibule que fermait une large porte peinte en noir.

Rarement ces chambres étaient occupées toutes trois. Il faut