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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/69

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tourna même la tête, embrassa d’un coup d’œil anxieux les salles désertes avec leurs établis, leurs tables… Rien ! rien !… Le cortège, qui paraissait pressé, continuait toujours.

À côté de lui, quelqu’un surveillait plus étroitement toute chose. C’était le prêtre qui se répétait : ne pas précéder le condamné… Et il songea que sa place, devant le condamné, était prise, maintenant, par le bourreau lui-même.

Alors, comme on allait sortir du dernier atelier pour entrer dans le petit couloir qui aboutissait à l’arrière-greffe, le père Saint-François fit deux pas en avant et, mettant la main sur l’épaule du bourreau, attira l’attention de celui-ci. Jamais on ne touchait le bourreau… Hendrick se retourna, stupéfait que quelqu’un eût osé entrer en communication physique avec lui. Il vit le moine et ne s’étonna plus. Le moine n’avait pas l’habitude, le moine ignorait peut-être qu’il fût le bourreau.

— Monsieur ! lui dit le moine. Un mot, s’il vous plaît…

Hendrick fit un mouvement en arrière et cela suffit pour que le cortège des gardiens et du condamné, avançant toujours, se trouvât dans le couloir, alors que le moine, le bourreau et les autres personnages étaient encore dans le dernier atelier.

— Monsieur, dit le moine, un renseignement ! Je crois qu’au dernier moment, Desjardies ne refusera pas les secours de mon ministère… sur la place, je dois marcher devant lui, n’est-ce pas ?… lui cachant autant que possible l’échafaud…

Hendrick n’eut pas le temps de répondre.

Il se produisit alors dans le couloir un fait unique, un fait inimaginable…

Le premier gardien qui précédait Desjardies, et qui était, comme nous l’avons rapporté, l’homme aux yeux d’albinos, était arrivé tout contre la porte de l’arrière-greffe, où on allait procéder à la toilette du condamné à mort.

Cette porte avait été laissée entrouverte à peine par le bourreau qui, au dernier moment, s’était décidé à aller, comme il le faisait quelquefois, au-devant du condamné. Le premier gardien, disons-nous, était arrivé contre cette porte, qui ouvrait à l’intérieur de l’arrière-greffe. Il la poussa un peu et se tournant tout à coup, avec la promptitude de l’éclair, du côté du condamné, il l’attira à lui si brusquement qu’il le jeta, en quelque sorte, plutôt qu’il ne le fit entrer dans l’arrière-greffe…

Le mouvement avait été si inattendu, si rapide que tout le cortège s’arrêta une seconde, ne comprenant pas… Il comprit lorsque la porte de l’arrière-greffe se referma avec précipitation… Il comprit qu’il se passait quelque chose qu’il était impossible d’expliquer…

L’idée d’une évasion dans de pareilles conditions ne pouvait