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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/88

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Vautour et Patte d’Oie, du haut du judas du greffe, les mouvements de Desjardies, avait décidé à temps le portier à laisser « le nouvel aide du bourreau, qui avait besoin de se rendre au fourgon ». Dix secondes plus tard, Desjardies se trouvait au milieu de la foule de la rue de la Vacquerie, emporté il ne savait où par il ne savait qui. Descendu dans la cave d’un chantier de bois, il n’en était ressorti que pour se retrouver en face de sa fille. Macallan s’émut à ce récent souvenir, mais il rit bien en apprenant la cruelle et dernière aventure qui était survenue aux véritables aides du bourreau.

L’adjudant Beauvisage, qui avait vu entrer les deux aides du bourreau (les deux faux), avait d’abord marqué quelque étonnement d’en voir ressortir trois (Desjardies, le Vautour et Patte d’Oie), et il n’avait rien moins fallu que la nouvelle intervention du gardien aux yeux d’albinos, connu comme le plus fidèle des gardiens par le portier, pour lui faire comprendre que Patte d’Oie n’était autre que le greffier du juge d’instruction, qui courait au-devant du procureur impérial, pour le mettre au courant des sensationnelles révélations faites à l’instant même par Desjardies, ce qui faisait du reste que l’exécution, en dehors de toutes les règles, avait été retardée.

Or, Patte d’Oie, le Vautour et le gardien aux yeux d’albinos n’étaient pas plutôt hors de la prison que le bruit infernal fait par tous les fonctionnaires enfermés dans la cour de l’administration venait éveiller la curiosité du portier, qui entrait sous le guichet du greffe et découvrait « le pot aux roses ».

Or, la police du Vautour, aidée par cet excellent Dixmer, venait de lui apprendre que, dans ce même moment, les vrais aides du bourreau, les deux vrais Prosper et Denis, auxquels la bande des Titis de Pantin venait de rendre la liberté, s’étaient présentés à la porte de la prison comme des fous. Mais l’adjudant Beauvisage, en apercevant encore des aides du bourreau, déclara qu’il en avait assez !

— Qu’on les arrête ! hurla-t-il.

Et c’est ainsi qu’après avoir été arrêtés une première fois, cette nuit-là par des bandits, M. Denis et M. Prosper le furent une seconde fois par des soldats.

Et en écoutant cela, le gnome Macallan ne se tient pas d’aise. Mais pourquoi maintenant le Vautour se penche-t-il à son oreille ? Quelle nouvelle surprenante lui conte-t-il ? D’abord il y a sur les traits du gnome de l’incrédulité, puis de l’anéantissement, puis, tout à coup, de la rage. Mais une rage tellement insensée et si subitement éclatante que, saisissant à plein poing le couteau dont il se nettoyait les ongles, Macallan en donna un coup formidable à la table, si bien que la lame entra de plus d’un pouce dans le bois et que le manche qu’il avait lâché se mit à vibrer comme une flèche empennée qui vient d’atteindre la cible…