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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/93

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pour la réalisation de ce rêve insensé auquel je ne voulais, je ne pouvais pas croire : l’évasion d’un condamné à mort !… Et mon cœur ne me trompe pas !…

— Gabrielle, savez-vous où j’étais pendant ces trois jours-là ?

— Non !

— J’étais à Saint-Valery-sur-Somme !

— À Saint-Valery-sur-Somme !… Et que faisiez-vous à Saint-Valery-sur-Somme ?

— Je chassais le canard sauvage !

— Pourquoi me dites-vous cela, Robert ? Je ne vous crois pas…

— Il faut toujours me croire, Gabrielle, même quand je vous dis que je chasse le canard sauvage… L’hiver, quand je ne travaille pas, c’est ma distraction favorite…

— Je ne puis croire que vous ayez eu le cœur de vous distraire, mon ami, quand vous me saviez plongée ici dans un aussi sombre désespoir…

— Bah ! fit Robert en souriant, ne savais-je pas aussi que la source de ces larmes serait bientôt tarie, et que tant de douleur aurait une fin prochaine ?… Si vous aviez eu confiance en moi, Gabrielle, votre torture aurait cessé bien avant ces trois jours-là… Mais voilà, vous n’aviez pas confiance en moi…

— Vous raillez, Robert, et vous me chagrinez… Eh quoi ! dans ce moment où nous ne devrions plus avoir de secrets l’un pour l’autre, dans ce moment où ma reconnaissance infinie est prête à vous donner ma vie en échange de celle de mon père que vous avez sauvée, vous continuez à jouer ce jeu de l’indifférence, auquel je n’ai jamais cru, vous persistez à prétendre que vous n’êtes pour rien dans les événements providentiels qui se succèdent dans ma triste existence depuis que je vous connais… Vous allez jusqu’à vouloir me faire croire que vous ne vous y intéressiez même pas !…

— Si, Gabrielle, je m’y intéressais, vous le savez bien, puisque c’est moi qui ai parlé de vous à mon tout-puissant ami, et c’est à cet ami seul que doit aller votre reconnaissance… Si vous aviez eu confiance en moi comme j’avais confiance en la toute-puissance de cet ami, les trois jours que vous avez passés ici, dans la solitude, vous auraient paru moins terribles… Eh bien ! Gabrielle, que dites-vous de mon ami ?

— Le roi Mystère ?…

— Oui, le roi Mystère…

— Il faut bien que j’y croie puisque vous me dites que c’est lui qui a sauvé mon père !…

— Vous ne l’avez donc pas vu ?

— Cette nuit ? Oh ! oui, je l’ai vu !… fit Gabrielle d’une voix tremblante…