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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/94

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— Il m’avait fait savoir en effet qu’il vous verrait cette nuit, dit Robert…

— Quand vous a-t-il fait savoir cela ?…

— Mais, dans la lettre, reprit le jeune homme, où il me priait de vous avertir d’avoir à vous trouver cette nuit même, à deux heures, sur le terre-plein de l’Opéra.

— Et vous avez reçu cette lettre à Saint-Valery-sur-Somme ?

— La voici ! fit le jeune homme.

Et il tira de son portefeuille une enveloppe qui portait comme suscription ceci : « Monsieur Robert Pascal, Hôtel de France, Saint-Valery-sur-Somme. »

Le timbre de cette enveloppe avait été oblitéré par le cachet de la poste.

— Lisez ! dit Pascal en tirant la lettre de son enveloppe. Gabrielle lut :

« Mon cher Robert,

» Vous seriez tout à fait aimable de prévenir Mlle Desjardies d’avoir à se trouver après-demain, jeudi, à deux heures du matin, sur le terre-plein de la place du nouvel Opéra. Sitôt qu’elle sera arrivée, je le saurai et j’irai moi-même la rejoindre et la conduire auprès du procureur impérial. Elle devra prendre le bras de l’homme qui viendra à elle en lui disant simplement : « R. C. » Conseillez-lui bien de ne s’étonner de rien, et de ne poser aucune question. Comment va la chasse ? On signale du côté de Saint-Valery-sur-Somme un grand passage de canards sauvages. Quand nous revenez-vous ?

» Grandes amitiés. Signé : R. C. »

— C’est étrange ! fit Gabrielle, très émue. Alors, l’homme en noir qui m’a pris le bras quand j’arrivais sur le terre-plein de l’Opéra, c’était votre ami !… C’était le roi Mystère !…

— Vous ne l’avez donc pas interrogé ?…

— Non ; vous me l’aviez défendu dans la lettre qui me dictait toute ma conduite… et qui m’a été remise d’une façon si bizarre… Elle ne portait ni date… ni timbre… elle ne portait que votre écriture et elle avait été glissée sous ma porte… et rien ne pouvait me faire croire qu’elle vînt de Saint-Valery-sur-Somme…

Il y eut un silence entre les deux jeunes gens, puis Gabrielle prit les mains de l’artiste et lui dit sur un ton d’adorable prière :

— Ainsi, Robert, vous me jurez que vous n’êtes pour rien dans les événements de cette nuit, que vous ne les connaissez pas, que j’ai été la première à vous apprendre qu’au moment même où on allait le conduire à l’échafaud — car l’affreuse chose devait avoir lieu cette nuit, cette nuit même — mon père a été sauvé par une intervention divine ?… Vous me jurez que je suis la première à vous apprendre tout cela ?…