Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/13

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Ce jour-là, où commence dans la comédie cette histoire qui devait se continuer d’une façon si tragique, quand on eut découvert les nouveaux larcins, exercices nocturnes de Hardigras et que l’on s’en fut gaussé comme il convenait entre soi, les employés cessèrent tout à coup de plaisanter.

La haute et sèche stature de M. Hyacinthe Supia venait d’apparaître, enveloppée dans une longue redingote comme dans un drapeau noir, et, sur son passage, régnait la terreur. Ses yeux glauques s’éclairaient d’une mauvaise flamme.

Jamais « le boïa » n’avait paru aussi redoutable. Derrière lui venait, solennel et fort gourmé, M. Sébastien Morelli, chef du personnel, surnommé « Sa Majesté » pour la dignité écrasante de sa démarche et parce qu’il contresignait de ses initiales S. M. les décisions les plus funestes à l’avenir des employés.

Le patron pénétra dans son bureau sans avoir adressé la parole à personne. D’autres individualités considérables vinrent l’y rejoindre ; et le bruit se répandit bientôt qu’il y avait conseil.

Une demi-heure plus tard, on en connaissait les résultats. M. Hyacinthe Supia avait décidé de renouveler entièrement le service de surveillance de jour et de nuit. Puis on apprit que le conseil, à l’unanimité, avait pris la résolution de donner désormais congé à tous les employés dans le service desquels on constaterait le passage de Hardigras.

On ne plaisantait plus !… Les employés étaient consternés… Pour qu’il eût pris une mesure pareille, M. Supia devait imaginer que