Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/138

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là, quelques masques isolés circulent en dansant : ceux qui n’ont pas eu la patience d’attendre le commencement du défilé et qui n’aspirent qu’à mériter les suffrages du jury chargé de la distribution des récompenses.

À partir de midi, l’aspect des rues et des places où doit passer le cortège change absolument. Chacun se rend à sa place de combat et prépare ses munitions de guerre : confetti, serpentins et bouquets.

Sur une distance de plus de trois kilomètres et surmontant une double rangée de poteaux enguirlandés, des milliers de bannières et de drapeaux de toutes les nations s’offrent à la caresse de l’air… Les boutiques transformées en loges, les fenêtres richement pavoisées contiennent des nuées de spectateurs ; de nombreux étrangers sont accourus pour admirer cette fête unique au monde.

La bataille commence ; les confetti sont lancés à poignées ; des sacs entiers sont vidés sur les têtes ; les serpentins traversent l’air de leurs spirales multicolores… La foule, massée sur les trottoirs, poings en l’air chargés de projectiles, s’apprête pour la bataille joyeuse.

Des marchands de projectiles sont échelonnés, qui n’ont pas besoin de solliciter les clients, la marchandise est vite enlevée ; çà et là quelques badauds considèrent avec ahurissement ce spectacle nouveau pour eux.

Sur la chaussée, tout le monde acteur. Populaire unique qui sait être gai sans molester personne, qui sait faire ripaille sans choir dans la basse ivresse, et qui stupéfie toujours l’étranger par le sens de la politesse qui ne le quitte jamais au cours de ses réjouissances et