Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/142

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de joyeuse élégance qu’un même cri partit de toutes les poitrines : À Toinetta ! À Toinetta !

Celle-ci salua et agita fort galamment son mouchoir en signe de remerciement, puis, comme si la chose arrivait par mégarde, elle laissa tomber la fine batiste qui voleta, d’abord hésitante comme une aile de ramier qui cherche sa route, enfin, guidée par une brise propice, elle s’en fut vers Titin qui, d’un bond prodigieux, s’en saisit bien avant qu’elle eût pu toucher le sol.

Aucun détail n’avait échappé à la foule. Celle-ci savait la tendre amitié qui unissait les deux enfants de leur terre chérie.

Hélas ! les triomphes les plus beaux sont souvent les plus courts ! Dans le moment que Titin était encore tourné vers Toinetta et agitait à son tour son charmant trophée, les acclamations firent place à un formidable éclat de rire, annonçant que quelque chose d’insolite se passait derrière lui…

Il tourna la tête et se trouva en face d’un spectacle qui eût dû le faire frémir d’horreur ou le couvrir de honte.

Mais un Titin, un jour de carnaval, rit de tout, et il se prit à rire plus fort que les autres en levant vers la voûte céleste deux bras qui attestaient sinon son désespoir, du moins sa stupéfaction.

Le crâne énorme du Hardigras de carton s’était soulevé et un Hardigras en chair et en os surgissait, agitant l’immense bannière qui décorait naguère les magasins de la « Bella Nissa » et sur laquelle on pouvait lire : « Hardigras n’est pas mort ! »