Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait la bonne société en déclarant que la peinture de Titin révélait un artiste-né.

À la vérité, il n’y avait pour être véritablement « en estase » devant l’œuvre de Titin que la mère Bibi, avec l’opinion de laquelle on ne pouvait trop compter, à cause de son idolâtrie pour le peintre… et aussi le petit peuple de la Fourca, qui jouissait de cette brutalité lumineuse avec la candeur enfantine des gens qui ne connaissent de la nature que ce qu’elle leur a donné.

Ils goûtaient surtout la façon dont Titin peignait les enseignes.

Elles éclataient de loin comme des soleils et ce diable de Bastardon savait toujours trouver, à propos du métier qu’elles annonçaient, de petits dessins à mourir de rire, et de hautes majuscules tout à fait plaisantes et entortillées comme des vermicelles, que l’on appelle là-bas des « chevous d’ange » !…

Titin produisait tous ces chefs-d’œuvre quand il s’ennuyait, ce qui faisait prévoir des pages incomparables le jour où il consentirait à y prendre quelque plaisir. Mais depuis quelques jours pourtant, il n’était pas gai. Et ce n’était point les mauvaises plaisanteries de Nathalie qui étaient faites pour lui rendre sa bonne humeur. Aussi peignait-il avec acharnement, balafrant le mur de la mère Bibi de touches fougueuses.

La bonne femme était partie depuis le matin on ne sait où. Elle ne s’absentait jamais. Elle avait fait toilette et, était partie à la première heure sans éveiller Titin.

Mais ce n’était pas à la mère Bibi que Titin pensait…