Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/152

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la mère Bibi. Il savait vaguement que l’autre était folle, enfermée à Saint-Pons… Il avait demandé à la voir. La mère Bibi lui avait toujours dit :

— Vaut mieux pas !… Ils m’ont dit là-bas que ça ne lui ferait pas de bien !… Et puis, elle ne te connaît pas !

Lui non plus ne la connaissait pas. Tout de même, il était triste, mais c’était à cause de la mère Bibi.

— Tu prendras bien une tasse de café noir, lui dit-il.

— Non, merci. Il faut que je te parle de ta mère… Quelquefois, quand tu étais tout petit, tu me demandais : Pourquoi les autres m’appellent l’enfant de Carnevale ou l’enfant de tré païres ?… Je te répondais : Pour rien, Titin. Et j’ajoutais : Quand ils te diront cela, tu leur donneras une bonne rincée ! Et tu as fait comme je t’avais dit et ils ont reçu tant de rincées qu’on ne t’a plus appelé ainsi. Alors tu ne m’as plus rien demandé mais aujourd’hui, il faut que je te dise ! J’avais été avertie que ta mère était au plus mal… Je suis allée là-bas : figure-toi qu’elle a retrouvé un peu la raison avant de mourir… Elle m’a reconnue ! J’ai regretté de ne pas t’avoir emmené avec moi, car elle t’a réclamé, Titin !… Oui, elle a demandé l’Enfant de Carnevale !… Tu sais qu’elle est devenue folle avant de te mettre au monde. Pauvre Tina ! C’était une brave et honnête fille et tu peux l’honorer comme il se doit. Bien sûr, elle aimait de danser comme les autres, après le festin, mais il n’y avait rien à dire ! Ils se sont mis trois un jour de Carnaval pour l’avoir… ils l’ont entraînée