Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/351

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coula, morne, accablée, comme ployant sous le coup d’un incompréhensible destin.

Personne ne se coucha, cette nuit-là. On voulait être renseigné le premier. Le maire était resté avec ces messieurs à la Patentaine. Les pompiers de Grasse achevaient de noyer les décombres de l’épicerie-mercerie de la pauvre mère Bibi. Giaousé avait réussi à l’entraîner chez lui. Ses biques ne la quittaient point. De temps en temps, elle levait le bâton sur lequel elle s’appuyait :

— Où es-tu, mon Titin ? Où es-tu ? C’est-y vrai Dieu possible qu’on ne dansera plus ensemble au festin ? Reviens ! Tu me fais besoin !

Giaousé lui avait dit :

— Il reviendra, mère Bibi ! c’est moi qui vous le dis. Assuré qu’il n’est pas mort ! En attendant, il y a de la place à la maison depuis que Nathalie elle est partie. On vous soignera bien ! Titin et moi c’est tout comme !

Mais la vieille secouait la tête :

— Non ! Non ! Ça n’était point tout comme !

Les gars retrouvèrent les quatre au « cabanon de la Peironella » qui avait rouvert sa porte. Quand on fait son devoir on a soif, et un morceau de fromage de chèvre sur une croûte de pain, ça n’est pas de refus. La Peironella était matrone, gaillarde et bonne personne. On disait qu’elle n’avait plus rien à refuser aux quatre, car c’est la rançon du bon accueil et de la familière affection que l’on dise tout de suite de vous des choses à double sens.

Tantifla, Pistafun, Aiguardente et Tony Bouta s’étaient retirés là après l’émotion de la voiture brûlée et du Supia sauvé des flam-