Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/360

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geaient en le reconduisant dans sa prison, il disait, plein de confiance :

— Il ne m’aura pas !

N’empêche qu’il résultait de tout ceci que Titin n’était pas mort, qu’on l’accusait d’assassinat, que Pistafun avait mis à la poste la lettre adressée à M. Supia et que Titin se cachait.

À la Fourca, on ne comprenait plus. Une fièvre générale ravageait les cœurs.

Toute la contrée environnante prenait parti pour ou contre. Et c’étaient de vraies batailles. Ceux de la Torre menés par le Bolacion venaient braver ceux de la Fourca jusque chez eux. Pendant les mois que dura l’instruction, ce mauvais esprit se développa d’une façon redoutable.

L’élément ouvrier étranger s’en mêla. On faisait, dans les Gorges du Loup, des travaux de voirie qui occupaient des terrassiers venus des quatre coins de l’Europe. Les arbis et autres musulmans n’étaient pas les moins à craindre. Le désordre en fut augmenté. On s’enfermait chez soi dès la tombée du jour. Il n’y avait point de nuit que l’on n’entendît des coups de fusil. L’on découvrait le lendemain quelque vol accompli avec une habileté hors de pair. La police, la gendarmerie étaient sur les dents. Mais les coupables n’étaient jamais découverts. Tout prenait un air de mystère insondable. Le pire est que l’on pressentait que tout ce désordre avait une « organisation ». Les voisins les plus intimes n’osaient plus se confier ce qu’ils pensaient. Le soupçon était partout. On revivait les plus mauvais