Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/377

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désespoir obstiné. Elle se frappait le front contre ce mur derrière lequel il ne pouvait y avoir que cette chose atroce : la mort de Titin !

— Vous convenez, néanmoins, madame qu’il s’est déguisé à de certains moment sous la personnalité carnavalesque de Hardigras ?

— Mais, monsieur le président, moi, je ne sais pas ! répondit-elle, tout à coup inquiète, effarée de ce qu’elle avait dit ou de ce qu’on voulait lui faire dire…

— Vous ne savez pas ? Vous ne savez pas ? Vous savez bien que Hardigras qui vous a enlevée et Titin qui vous a ramenée n’est qu’un seul et même personnage ! Ou alors, si ce n’est pas le même, dites-le, madame ! Vous souvenant que vous avez juré de ne dire que la vérité ! Mais toute la vérité !…

Elle se dressa, plus pâle et plus tremblante encore que tout à l’heure. La salle était suspendue à ses lèvres. D’une voix qui n’était qu’un souffle, mais qui fut entendue tout de même jusqu’aux coins les plus reculés du prétoire, tant le silence était profond, elle dit :

— Oui ! puisque j’ai juré de dire toute la vérité, ce jour-là, monsieur le président, oui, c’était le même !… C’était le même car il ne pouvait y avoir deux hommes au monde pour enlever avec ce courage une pauvre fille qui ne savait plus ce qu’elle faisait et qui se croyait déjà abandonnée de tous, même de celui en qui elle avait mis toute son espérance ! Il n’y avait pas deux hommes au monde pour me sauver comme Hardigras l’a osé et pour me respecter et me ramener à ma famille comme Titin l’a fait !