Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous vous moquez de moi, parrain !… Tout ça, c’est « des estrabots ! » (des bobards).

— Taisez-vous, petite malheureuse, ou employez un autre langage, je vous prie… Quand on va devenir princesse…

— Oh ! Nous avons le temps d’en parler ! Je ne sais seulement point s’il m’aime, cet homme !…

— Prince ! je vous en supplie, excusez-la ! Ce sont des manières qu’elle a prises à la campagne et dont nous n’avons pas eu le temps encore de la débarrasser !…

— Moi ! je trouve Mlle Antoinette charmante, dit le prince en jouant avec le cordon de son monocle et en prenant sournoisement son air le plus séduisant… Sous la franchise de sa parole, je devine une nature spontanée, intelligente, apte à toutes les transformations… Nous en ferons une grande dame ! Mlle Antoinette n’aura qu’à le vouloir et elle en éclipsera bien d’autres, j’en suis persuadé !…

À ces mots, les yeux de Thélise se remplirent de larmes et Caroline, devenue pâle comme la nappe, se mordit la lèvre jusqu’au sang…

Le prince se félicita d’avoir ainsi fait sortir de leur attitude glacée et de leur lointain dédain deux femmes qu’il tenait toujours pour ses esclaves.

Puis, penché languissamment du côté de la petite Agagnosc, il poursuivit :

— Vous avez prononcé tout à l’heure, mademoiselle, des paroles qui m’ont profondément troublé… Sachez donc (ici le prince jeta un regard affreusement machiavélique du côté de Thélise et de Caroline) que le véritable