Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/96

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— Bah ! répliqua modestement Titin, on est comme on est !…

Il quitta M. Supia en lui promettant d’être de retour à neuf heures. Il ne demandait qu’une chose à M. Supia, c’était de l’introduire lui-même dans les magasins, de façon que personne ne pût soupçonner sa présence. Après, il répondait de tout !…

— Et je puis réellement espérer ?… balbutia M. Supia, effaré d’une pareille assurance…

— Mlle Antoinette sera contente !… Vous pourrez le lui dire de ma part et allez dormir sur vos deux oreilles !…

En quittant la « Bella Nissa », Titin se dirigea droit sur le quai des Ponchettes, où il eut l’occasion immédiate de serrer la main d’une douzaine de pêcheurs de ses amis. Le front penché, il s’en revint jusqu’au coin de la rue de l’Hôtel-de-Ville, d’où, par-dessus tout un pâté de maisons, il pouvait apercevoir le cinquième étage de la « Bella Nissa » et, à l’angle du bâtiment, une fenêtre que n’éclairait, du reste, aucune lumière… « Si elle était là, se dit-il, elle aurait allumé… Le Supia ne m’a pas menti !… » Il rentra dans la vieille ville, toujours pensif. De toute évidence, Titin songeait à la meilleure façon de prendre Hardigras. Ainsi arriva-t-il dans un restaurant populaire de la rue Droite, renommé pour sa « pissaladière » et sa « stocaficada ».

Dans ce quartier aux ruelles étroites, aux murs noircis, aux hautes maisons décrépies dont l’équilibre avait été rompu par des siècles d’humidité, le haut commerce niçois se faisait quelquefois une fête de pénétrer dans la salle basse du vieil établissement et de se faire ser-