Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/97

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vir sur les tables rustiques les plats nationaux qui avaient régalé son enfance.

Justement, ce soir, il y avait là, à la table du fond, le bon Papajeudi, Mme Papajeudi et les trois demoiselles Papajeudi. Ils avaient commencé petitement comme tant d’autres et avaient réussi, à force d’économies, de bonne humeur et de travail acharné dans le commerce des denrées, beurres, fromages. Ils avaient maintenant une maison des plus importantes, place du Marché, fournissaient les hôtels et palaces, ce qui ne les empêchait point de continuer chaque jour que Dieu fait le petit détail et de soigner comme il sied le client qui passe. Dès l’ouverture du marché, on pouvait voir Mme Papajeudi à sa caisse et son mari, le tablier retroussé à la ceinture, une palette de bois à la main, coupant les mottes de beurre doré et pesant la marchandise au contentement de chacun. Quant aux demoiselles, on ne les voyait jamais. Elles étaient en pension, apprenaient le piano et le chant et se destinaient à faire l’ornement des salons dans lesquels elles entreraient plus tard, juste récompense du labeur obstiné de leurs parents.

Titin avait toujours été gâté par les Papajeudi, au temps où, encore gamin, il était accouru à Nice parce qu’on lui avait pris sa « Toinetta ». Quand il rôdait dans le marché, pignochant de-ci de-là sa nourriture, récoltant une commission, un fruit, un coup de pied quelque part, enchanté de la vie parce que, de temps à autre, il pouvait apercevoir sa petite amie qui lui faisait des signes derrière la bonne ou la gouvernante, il était toujours sûr, dans les moments difficiles, de trouver chez