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MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE

pourrait vous mener loin… Prenez garde à l’erreur judiciaire, Monsieur Fred ; elle vous guette !… »

Et, ricanant un peu, les mains dans les poches, légèrement goguenard, Rouletabille, de ses petits yeux malins, fixa le grand Fred.

Frédéric Larsan considéra en silence ce gamin qui prétendait être plus fort que lui ; il haussa les épaules, nous salua, et s’en alla, à grandes enjambées, frappant la pierre du chemin de sa grande canne.

Rouletabille le regardait s’éloigner ; puis le jeune reporter se retourna vers nous, la figure joyeuse et déjà triomphante :

« Je le battrai ! nous jeta-t-il. Je battrai le grand Fred, si fort soit-il ; je les battrai tous… Rouletabille est plus fort qu’eux tous !… Et le grand Fred, l’illustre, le fameux, l’immense Fred… l’unique Fred raisonne comme une savate !… comme une savate !… comme une savate ! »

Et il esquissa un entrechat ; mais il s’arrêta subitement dans sa chorégraphie… Mes yeux allèrent où allaient ses yeux ; ils étaient attachés sur M. Robert Darzac qui, la face décomposée, regardait sur le sentier, la marque de ses pas, à côté de la marque « du pas élégant ». Il n’y avait pas de différence !

Nous crûmes qu’il allait défaillir ; ses yeux, agrandis par l’épouvante, nous fuirent un instant, cependant que sa main droite tiraillait d’un mouvement spasmodique le collier de barbe qui entou-