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MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE

pensée d’homme ! La ruine morale d’un édifice rationnel, doublé de la ruine réelle de la vision physiologique, alors que les yeux voient toujours clair, quel coup affreux sur le crâne !

Heureusement, Mlle  Mathilde Stangerson apparut sur le seuil de son antichambre. Je la vis ; et ce fut une diversion à ma pensée en chaos… Je la respirai… « je respirai son parfum de la dame en noir… Chère dame en noir, chère dame en noir » que je ne reverrai jamais plus ! Mon Dieu ! dix ans de ma vie, la moitié de ma vie pour revoir la dame en noir ! Mais, hélas ! je ne rencontre plus, de temps en temps, et encore !… et encore !… que le parfum, à peu près le parfum dont je venais respirer la trace, sensible pour moi seul, dans le parloir de ma jeunesse…[1] C’est cette réminiscence aiguë de ton cher parfum, dame en noir, qui me fit aller vers celle-ci que voilà tout en blanc, et si pâle, si pâle, et si belle sur le seuil de la « galerie inexplicable » ! Ses beaux cheveux dorés relevés sur la nuque laissent voir l’étoile rouge de sa tempe, la blessure dont elle faillit mourir… Quand je commençais seulement à prendre ma raison par le bon bout, dans cette affaire, j’imaginais que, la nuit du mystère de la « Chambre

  1. Quand il écrivit ces lignes, Joseph Rouletabille avait dix-huit ans… et il parlait de « sa jeunesse » ! J’ai respecté le texte de mon ami, mais j’avertis ici le lecteur que l’épisode du « Parfum de la Dame en Noir » n’est point nécessairement lié au « Mystère de la Chambre Jaune »… Mais quoi ! il n’y va point de ma faute si, dans les documents que je cite ici, Rouletabille a, quelquefois, des réminiscences de « sa jeunesse ».