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MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE

de cette femme invisible et muette pour savoir ce qu’elle sait. Notre désir, notre volonté de savoir doivent lui être un supplice de plus. Qui nous dit que, si « nous apprenons », la connaissance de « son » mystère ne sera pas le signal d’un drame plus épouvantable que ceux qui se sont déjà déroulés ici ? Qui nous dit qu’elle n’en mourra pas ? Et cependant, elle a failli mourir… et nous ne savons rien… Ou plutôt il y en a qui ne savent rien… mais moi… si je savais « qui », je saurais tout… Qui ? qui ? qui ?… et ne sachant pas qui, je dois me taire, par pitié pour elle, car il ne fait point de doute qu’elle sait, elle, comment « il » s’est enfui, lui, de la Chambre Jaune, et cependant elle se tait. Pourquoi parlerais-je ? Quand je saurai qui, « je lui parlerai, à lui ! »

Elle nous regarde maintenant… oui, mais de loin… comme si nous n’étions pas dans sa chambre… M. Stangerson rompt le silence. M. Stangerson déclare que, désormais, il ne quittera plus l’appartement de sa fille. C’est en vain que celle-ci veut s’opposer à cette volonté formelle. Il s’y installera dès cette nuit même, dit-il. Sur quoi, uniquement préoccupé de la santé de sa fille, il lui reproche de s’être levée… puis il lui tient soudain de petits discours enfantins… il lui sourit… il ne sait plus beaucoup ni ce qu’il dit, ni ce qu’il fait… L’illustre professeur perd la tête… Il répète des mots sans suite qui attestent le désarroi de son esprit… celui du nôtre n’est guère moindre.