Page:Leroux - Mister Flow.djvu/268

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Obéit-elle uniquement à des instincts qui la roulent dans un chaos où elle s’accroche à moi, par hasard ? Ou suit-elle une idée fixe quand elle m’entraîne dans ses chemins de luxure ? Oublie-t-elle avec moi ? ou espère-t-elle ? ou, plus simplement, ne suis-je là que pour lui donner la joie de ma destruction ? Peut-être pourrais-tu répondre à cette question, toi, la petite poupée aux yeux de verre ? Non ! garde ton silence ! Dès nos premières nuits, à Deauville, quand nos baisers étaient un massacre, j’avais déjà l’intuition que cette atroce perplexité était un des éléments, assurément le plus puissant, de mon affreux plaisir. C’est parce que je ne sais rien que je reste son captif. Et je ne suis pas venu pour me délier.

En cours de route, quelques paroles banales. Nous pénétrons dans le pays de Rob-Roy. Quelques souvenirs de ciné. Et puis, les lacs. Mes pensées n’étaient pas au paysage.

Des tours, des arches branlantes retenues par d’antiques rameaux, des architectures mélancoliquement penchées au-dessus d’un précipice : de sinistres demeures féodales dont les échauguettes et les mâchicoulis surgissent au-dessus des forêts de chênes et de bouleaux. J’ai déjà vu tout cela sur des cartes postales. Peinture anecdotique, chromos pour journaux illustrés. Tournons la page…

Soudain, au milieu de ce chaos de montagnes et de torrents, au sein de ces tristes bruyères, au bord des eaux vertes et du sommeil monotone des lacs où se mire quelque ruine solitaire, je me sentis envahi d’une angoisse dont je n’étais pas maître de