Page:Leroux - Mister Flow.djvu/269

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secouer l’étreinte. C’est que je sentais peser à nouveau sur ma main la main d’Helena, c’est que nos deux têtes étaient penchées derrière la même glace, c’est que nos deux fronts rapprochés me faisaient l’esclave de sa pensée. Je me surpris à éprouver le même frisson devant certaines ruines ressuscitées au sein d’une nature dont la sauvagerie romantique m’eût laissé complètement froid si je n’avais senti contre le mien ce beau visage funèbre ! Il semblait, lui aussi, appartenir à ces époques révolues. Les reines amoureuses et martyres, les nobles ladies retenues prisonnières dans ces caveaux de pierre où chaque légende a laissé sa trace ne devaient pas avoir une figure plus tranquillement fatale, plus asservie à un inévitable destin que la figure de lady Skarlett.

Elle ressemblait à une de ces statues de marbre qui, au bord des tombeaux, dans les cimetières ou au fond des cryptes, ont immobilisé la Peur. Il était inutile qu’elle parlât ! Elle était là et voilà qu’à mes yeux les glens se repeuplaient ; je regardais avec elle, descendant des ruines dont la poussière du temps s’était envolée, les lairds cuirassés d’acier, les bardes, les clans dans leur tumulte guerrier. Par tous les sentiers, ils glissaient vers la plaine qu’ils allaient rougir de leur sang. Tous les crimes de la guerre des Deux-Roses, les massacres de la Réforme, les vengeances séculaires qui perpétuaient dans toutes les familles des martyrs et des bourreaux, je les évoquais d’une façon d’autant plus précise que je n’ignorais pas que les haines, encore aujourd’hui, n’étaient pas éteintes et que, s’il y avait des palaces