Page:Leroux - Mister Flow.djvu/54

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que depuis cette minute qui m’a mis le masque d’un autre sur le visage, le vêtement d’un autre sur les épaules et ce billet de mille francs, que mes doigts froissent, dans ma poche.

Un déguisement ? Allons donc ! je ne suis vraiment moi-même que maintenant ! je suis né pour vivre riche, heureux, aimé des femmes… La preuve en est que je mourais de consomption dans le cadre étriqué d’une existence où un sort odieux et aveugle, surtout, m’avait jeté ! Cette aventure, qui a commencé par être ridicule, peut être l’origine d’une fortune fabuleuse. Déjà, je n’admets plus que je puisse retomber dans mon trou, réintégrer la nuit de ma cave ! La chance vient ! Pourquoi n’en pas profiter ? À moi de réaliser ce conte de fée !

Une femme m’aime ! Une femme du monde, une vraie lady !… En tout cas, si elle ne m’aime pas encore, elle m’aimera demain ; j’en fais mon affaire. Cette nuit, mes bras se refermeront sur elle. Sois audacieux, alors ! Cours ton risque… Si tu sais t’y prendre, cette Helena peut te sortir de la mouise ! j’ignore comment l’aimait Lawrence. Mais je lui montrerai ce que c’est qu’un ermite de vingt-quatre ans de la rue des Bernardins qui a préféré vivre chaste que de prostituer sa jeunesse aux boniches en bas de soie des dancings du Quartier Latin… Allons ! une cigarette, et que la fête commence !…

Quand je traverse le hall, je me sens plus d’assurance au cœur qu’un fils d’Amérique, héritier du Roi du Cochon, que Fortunio allant roucouler