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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

Et comme Rouletabille regardait au lointain :

« L’intérêt n’est pas au loin, lui dit Richter ; il n’est même pas devant vous, il est tout à vos pieds ! Vous n’avez qu’à baisser la tête pour embrasser d’un seul coup d’œil ce monde des usines, d’où l’Empire allemand est sorti comme d’une caverne infernale et avec lequel il tient tête aujourd’hui à tout l’univers !… Ce qui frappe avant tout, c’est le chemin de fer de ceinture ; il trace comme un cercle magique autour de l’usine aux cent portes ! Il jette de tous côtés de grands rayonnements de rails… Ces bâtiments qui s’étendent du côté de la ville, sont les ateliers pour la fabrication des canons… Écoutez !…

— Quel est ce bruit ?… On fait des essais ? s’enquit Rouletabille.

— Non !… C’est le gros marteau de 50 000 kilos qui fonctionne… Il a coûté 2 millions et demi… Il est soutenu par trois fondations gigantesques : une en maçonnerie, une en troncs de chênes venant de la forêt de Teutoburg, et une autre en bronze, formée de cylindres solidement reliés entre eux… Il forge des blocs de 400 quintaux[1] ! Ça s’entend ! »

Rouletabille se laissait conduire autour de la lanterne. À un moment, il demanda tranquillement :

« Mais quelle est donc cette énorme construction bizarre qui a un toit si curieux et devant laquelle nous sommes déjà passés ce matin ?

— Cela, c’est le berceau du nouveau zeppelin ! répondit Richter. Quelque chose d’étonnant, paraît-il ! Mais entre nous il vaut mieux ne pas en parler pour ne pas avoir de désagréments avec l’administration qui sait tout ce qui se fait ici, qui sait tout ce qui se dit !

— Bah !…

— Oui, j’aime mieux vous avertir ! La police est bien faite !…

— Je m’en doute !… continua Rouletabille d’une voix indifférente. Et là-bas, dans la ville, en face, tenez ! Dans

  1. Tissot. Les Prussiens en Allemagne.