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UNE ENTREVUE DRAMATIQUE

« — Certes ! pas la grande Titania, qui ne sera pas achevée avant trois mois, mais il s’agit d’un petit modèle qu’ils se sont décidés à mettre en chantier, parallèlement à la grande Titania, et qui sera prêt à être expérimenté dans quinze jours ! Et peut-être même que Serge devra parler avant !… Je vous dis qu’il n’y a plus aucun espoir !… Je connais Serge !… son amour pour moi tient de la plus sombre folie et se nourrit de la haine qu’il a pour tout le reste du genre humain ! Je vous dis que nous sommes perdus si vous ne me tuez pas !…

« — Mademoiselle ! déclarai-je alors, je vous jure, moi, que si je ne vous ai pas tous sauvés dans dix jours, je vous tuerai, vous, de cette main qui ne tremblera pas !… et je vous affirme que je trouverai bien le moyen de parvenir ensuite jusqu’à Serge pour lui dire : Elle est morte pour que vous ne parliez point !

« Alors, cette admirable fille me dit en me regardant bien dans les yeux :

« — Faites l’une de ces deux choses-là : sauvez-nous ou tuez-moi ! et vous serez béni !

« Sur quoi, elle fit le signe de la croix. Mais j’avais saisi une feuille de papier et un crayon et je lui dis, écrivez ceci : Mon Serge bien-aimé, je suis morte pour que tu ne parles pas !… et signez !

« Elle écrivit d’une main ferme et signa. Je mis le papier dans ma poche.

« — Comment vous appelez-vous ? me demanda-t-elle encore à voix basse. Je lui répondis :

« — Je m’appelle Michel Talmar pour tout le monde ici, mais, pour vous, je suis Rouletabille.

« J’entendis alors la porte qui s’ouvrait. C’était le général Berg, l’ingénieur Richter, l’ingénieur Hans et sa fille qui venaient chercher Nicole. Je me rejetai dans ma cachette. Quant à elle, elle se prépara raisonnablement à les suivre, mais les forces lui manquèrent et il fallut l’emporter. »